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Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada
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DIFFUSION*

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En conséquence nous recommandons :

g) Qu'à l'avenir la Société Radio-Canada refuse toute réclame commerciale locale pour les postes qu'elle exploite directement, sauf dans les endroits où aucun poste privé n'assure ce genre de service.

Réclame à l'échelle nationale.

53.   On a aussi prétendu, au cours des témoignages, que les postes relevant directement de Radio-Canada ne devraient accepter aucune réclame commerciale. Cet avis a été exprimé non seulement par des exploitants de postes privés, qui voudraient se réserver toute la réclame, mais par des auditeurs de tous les coins du pays, qui détestent cette forme d'émission et s'élèvent contre certains programmes commerciaux de Radio-Canada, qu'ils croient indignes d'un régime de radiodiffusion national.

54.   Toutefois, pour diverses raisons, il ne serait pas pratique de supprimer entièrement toute réclame des réseaux d'État. D'abord, le commanditaire canadien serait ainsi privé de son auditoire national. En second lieu, des recettes annuelles de plus de deux millions de dollars provenant de cette source, et qui servent à assurer une partie des émissions en réseaux, se trouveraient perdues pour Radio-Canada; il ne faut pas oublier, en effet, que celle-ci dépend en partie de ses revenus commerciaux et que le coût des émissions complémentaires est partiellement acquitté à même les fonds obtenus de la réclame. La suppression des programmes commerciaux entraînerait des dépenses additionnelles, puisqu'il faudrait organiser de nouvelles émissions complémentaires. Enfin, plusieurs émissions commerciales ont une valeur en elles-mêmes et sont fort goûtées des auditoires canadiens. De plus, grâce à la clientèle que créent les relations commerciales, des émissions complémentaires d'origine américaine tout à fait excellentes et irremplaçables sont mises à la disposition des auditeurs canadiens par l'entremise de Radio-Canada.

55.   Bien qu'il soit souhaitable, en principe, de supprimer toutes les émissions commerciales des réseaux nationaux, il est à craindre que, dans la pratique, cette suppression aurait pour effet non pas de relever mais d'abaisser le niveau des programmes, et de porter bien des auditeurs à délaisser les postes canadiens en faveur des postes américains. Tant que son voisin conservera son régime commercial de radiodiffusion, le Canada ne pourra supprimer toute émission commerciale.

56.   Toutefois, la radio nationale ne doit pas devenir l'esclave des recettes provenant de sources commerciales. Si le Bureau des gouverneurs accepte certaines émissions uniquement ou même principalement à cause des revenus qu'elles peuvent lui procurer, il sacrifie, par le fait même, notre régime d'État. Nous ne donnons pas à entendre que nous en sommes là, mais il est clair que l'insuffisance des revenus de Radio-Canada

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complique le contrôle serré que le Bureau des gouverneurs doit exercer sur la teneur de ses émissions.

En conséquence nous recommandons:

h) Que le Bureau des gouverneurs de la Société Radio-Canada refuse toute émission commerciale dont la teneur est inacceptable; et qu'il examine la possibilité de supprimer quelques-unes des émissions actuelles dont la qualité laisse à désirer et de les remplacer par des émissions mieux adaptées aux auditoires canadiens.

Revision des règlements.

57.   Les postes privés ont formulé de nombreuses observations au sujet des règlements qui les régissent. Afin de bien comprendre la méthode de réglementation et de direction actuellement appliquée dans notre régime national de radio, nous avons soigneusement étudié tous les règlements existants et demandé au Bureau des gouverneurs de Radio-Canada et aux associations de postes privés de nous soumettre leurs observations à ce sujet. Cette enquête a révélé que certains règlements sont désuets, tandis que d'autres sont écartés impunément par tous les postes, ceux de l'État comme les autres.

En conséquence nous recommandons :

i) Que le Bureau des gouverneurs de la Société Radio-Canada fasse une étude soignée de ses règles et règlements en vue d'annuler ou de modifier ceux qui ne s'appliquent plus aux méthodes actuelles de radiodiffusion.

58.   On nous a exposé les problèmes que pose le contrôle des postes de radio par des journaux, et ceux que suscitent la possession et la direction d'un certain nombre de postes par un seul groupe de régisseurs. Bien qu'à notre avis ces tendances monopolisantes puissent devenir dangereuses, nous croyons qu'il sera possible de réprimer tout abus de ce côté tant qu'on respectera l'intégrité de notre régime de radiodiffusion d'État. À l'heure actuelle, quarante et un postes appartiennent en tout ou en partie à des journaux, mais rien n'indique qu'il en soit résulté un abus de pouvoir quelconque.

59.   Lors de nos audiences de Toronto, des représentants de la Canadian Daily Newspaper Association nous ont signalé un tout autre aspect des rapports entre les journaux et la radiodiffusion. Ce groupement a parlé en termes énergiques de la nouvelle méthode de production de journaux connue sous le nom de « facsimilé ». Comme nous le disions au chapitre V, ce nouveau dispositif permet de radiodiffuser, d'un point central, le contenu entier d'un journal, lequel est reproduit automatiquement, par procédé radio-électronique, dans les foyers des abonnés. De l'avis des représentants de l'Association, cette nouvelle méthode tombe probablement sous le coup des lois régissant la radiodiffusion au Canada; c'est

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donc dire que les éditeurs de journaux publiés au « facsimilé » seraient automatiquement visés par les règlements de la Société Radio-Canada, y compris, par exemple, les règlements touchant les émissions de caractère politique, la réclame et la teneur des programmes. Nous avons cru comprendre qu'une telle perspective répugne beaucoup aux journalistes, qui veulent à tout prix sauvegarder l'indépendance traditionnelle de la presse. Néanmoins, une certaine réglementation s'imposerait probablement dans ce domaine, à notre avis, afin que les bandes de fréquence puissent être attribuées de façon ordonnée, de manière à éviter toute interférence. Le problème consiste donc à trouver un moyen d'assurer l'entière liberté à cette nouvelle forme de production journalistique, sans faire violence à notre régime national de radiodiffusion. Puisque le « facsimilé », occuperait certaines bandes de fréquence, il devrait nécessairement, semble-t-il, relever de l'autorité technique du ministère approprié. Bien que nos connaissances à l'égard de ce nouveau dispositif soient plutôt restreintes, nous prévoyons qu'il y aurait de graves objections à lui imposer les restrictions nécessaires en radiodiffusion mais inapplicables aux journaux. Il nous semble donc à la fois souhaitable et pratique de favoriser le développement ultime du « facsimilé » d'une façon ordonnée, tout en sauvegardant la liberté traditionnelle de la presse.

En conséquence nous recommandons :

j) Qu'à l'égard de toute initiative de radiodiffusion journalistique par le procédé « facsimilé » au Canada, la régie d'État se borne à la réglementation technique nécessaire pour assurer l'attribution équitable et efficace des bandes de fréquence à cette fin.

Le problème d'ordre financier.

60.   Le Bureau des gouverneurs de Radio-Canada prétend traverser une crise financière qui menace de désorganiser le service national de radiodiffusion. Il n'y a qu'une façon de concilier la hausse constante des frais avec l'état statique des recettes, et c'est de diminuer les dépenses en réduisant soit la quantité soit la qualité des services, soit encore l'une et l'autre. Cependant, comme l'ont fait observer non seulement Radio-Canada, mais des Canadiens de toutes les parties du pays, l'expansion et l'amélioration du service radiophonique national s'imposent. Il faudrait qu'il eût un rayonnement plus satisfaisant dans plusieurs parties du pays; il faudrait aussi établir un second réseau français et un poste de langue française dans les provinces Maritimes, employer davantage les artistes canadiens, améliorer la tenue des émissions, et, comme nous l'avons recommandé, éliminer la réclame locale et faire un choix plus judicieux de la réclame à l'échelle nationale.

61.   Radio-Canada a déclaré que, pour maintenir ses services à leur niveau actuel, il lui faudrait environ $3 millions de plus par an, en sus de

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ses revenus courants d'à peu près $7 millions et demi. Pour l'amélioration et l'extension de ses services, il lui faut en plus $2 millions deux cent mille, ce qui ferait un budget annuel total d'environ $12 millions sept cent mille. Si elle abandonne toutes les émissions commerciales locales, de même que les émissions commerciales d'envergure nationale les moins désirables, la Société aura besoin, dit-elle d'un autre million et demi, soit, en tout, $14 millions deux cent mille. Une dépense annuelle de cette importance peut paraître énorme, mais elle représente en réalité moins d'un dollar par an, par Canadien, moins que la somme consacrée chaque année, au Canada, à l'achat de gomme à mâcher. Les Canadiens dépensent en moyenne $7 par an, chacun, au cinéma. Nous n'avons nullement raison de supposer qu'ils considéreront comme excessive la dépense d'un dollar par an pour un service national qu'ils apprécient à sa valeur; au contraire, bien des auditeurs nous ont demandé de voir à ce que Radio-Canada ait tous les fonds nécessaires pour développer et améliorer ses émissions et pour accroître la participation des artistes de chez nous.

62.   On nous a soumis bien des conseils précis sur les moyens d'atteindre ces fins. D'une façon générale, l'idée de Radio-Canada de porter la taxe sur les récepteurs à $5 est mal accueillie. On a prétendu, à nos séances, que la taxe ainsi majorée serait excessive pour un grand nombre d'auditeurs, et qu'elle ne serait pas vue d'un bon œil puisque, un peu partout, on a déjà l'impression que la taxe actuelle n'est pas efficacement perçue.

63.   Plusieurs témoins et correspondants nous ont donné à entendre que l'amélioration de la méthode actuelle de perception du droit serait un moyen de parer immédiatement et au moins partiellement aux difficultés d'ordre financier. Le ministère des Transports, de son côté, estime que la méthode de perception actuelle est suffisamment efficace et satisfaisante. Cependant, si l'on accepte les chiffres établis par le Bureau fédéral de la Statistique, les trois millions et demi d'appareils récepteurs que compte le Canada et qui sont taxables devraient rapporter au-delà de huit millions et demi de dollars en droits de permis, au lieu des quelque cinq millions qu'ils rapportent effectivement.

64.   Toutefois, même cette somme serait évidemment insuffisante. Nous ne voyons aucune solution au problème financier qui se pose à Radio-Canada, si ce n'est d'accroître l'aide qui lui est accordée à même le Trésor public. Certains témoins sont allés jusqu'à prétendre qu'on devrait supprimer le droit de permis et rejeter le coût entier de la radio nationale sur les épaules du contribuable, étant donné que tous les Canadiens bénéficient directement ou indirectement du régime national de radiodiffusion. Nous ne saurions agréer cette proposition, car il n'est que juste, croyons nous, que les auditeurs paient directement les services qu'ils reçoivent, et nous sommes d'avis qu'ils les apprécient d'autant plus qu'ils contribuent à les défrayer. Mais nous en sommes venus à la conclusion que, puisque

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Radio-Canada sert la nation tout entière, il n'est que raisonnable qu'il soit pourvu à même les recettes fiscales aux sommes requises, au-delà d'un modeste droit de permis.

65.   Toutefois, il y a des objections sérieuses à l'octroi d'une subvention annuelle par le Parlement. Bien que d'autres services administratifs essentiels dépendent de crédits votés annuellement, il est à ce point important de soustraire la radio nationale à la possibilité de toute ingérence politique, qu'elle ne devrait pas dépendre, pour ses revenus, d'une intervention annuelle directe de la part du gouvernement au pouvoir. L'attribution d'une allocation statutaire nous semble bien la méthode la plus satisfaisante, puisqu'elle permettrait à Radio-Canada d'élaborer des projets à assez longue échéance, en se fondant sur l'assurance que son revenu ne sera pas comprimé pour une certaine période d'années. Un moyen utile d'assurer des revenus suffisants à Radio-Canada consisterait à fixer la somme indispensable à cette société à un montant global représentant un dollar par tête, d'après le chiffre de population déterminé lors du recensement décennal et l'estimation annuelle du Bureau fédéral de la Statistique. Ce montant serait établi chaque année et constituerait le revenu total de Radio-Canada pour l'année. Il comprendrait tout d'abord les recettes provenant des droits de permis, ainsi que les revenus tirés de sources commerciales et diverses. Le solde serait versé à Radio-Canada par le gouvernement fédéral à même le Trésor public, conformément à la loi. Par exemple, en 1947-1948, le revenu statuaire d'après l'estimation de la population se serait établi à $13,549,000. Radio-Canada aurait reçu cette somme ainsi répartie:

Droits de permis nets 5,135,374.65
Émissions commerciales 2,217,129.91
Divers 200,709.24
7,553,213.80
Subvention statutaire 5,995,786.20
13,549,000.00

En conséquence nous recommandons :

k) Que la taxe prélevée annuellement sur les appareils radiorécepteurs soit maintenue au niveau actuel, mais qu'une meilleure méthode de perception soit élaborée.
 
l) Que le revenu annuel total de la Société Radio-Canada à toutes fins radiophoniques autres que celles du Service international soit fixé par une loi pour une période de cinq ans, et que ce revenu provienne de la taxe sur les appareils récepteurs, des recettes commerciales et diverses, ainsi que d'une somme versée à même les deniers publics, jusqu'à concurrence du revenu statutaire total.

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ÉMISSIONS

Émissions d'intérêt national.

66.   Au cours de nos audiences et de nos délibérations, nous avons consacré plusieurs heures à la recherche des meilleures méthodes de direction et de financement du régime national de radiodiffusion. Ces méthodes, toutefois, ne sont que le fondement matériel et administratif de l'un des éléments d'unité et de culture les plus puissants au Canada. C'est là que réside, croyons-nous, notre plus grave responsabilité en tant que membres d'une commission culturelle. On a formulé, à nos séances publiques, des vues nombreuses et diverses au sujet de la radio canadienne. Il est heureux et extrêmement utile, à notre avis, que nous ayons pu recueillir ainsi les expressions d'opinions d'un si grand nombre de nos concitoyens sur ce service public.

67.   Nous ne saurions affirmer trop énergiquement que nous nous intéressons tout d'abord à la nature et à la qualité des émissions radiodiffusées au Canada, ainsi qu'à leur influence sur la vie canadienne. Notre étude des problèmes de réglementation et de finances s'inspirait du désir de voir se perpétuer et s'améliorer les normes de nos émissions nationales. Nous avons recommandé le maintien du régime national actuel à cause de ses réalisations passées et de ses perspectives pour l'avenir. Il ne nous appartient pas, estimons-nous, de formuler des recommandations circonstanciées en ce qui concerne le développement et l'amélioration des émissions. Toutefois, il importe que nous disions ici un mot de l'opinion exprimée à la première partie, selon laquelle la qualité du travail accompli par Radio-Canada dans les domaines de la musique et du théâtre ne semble pas être égalée dans ce qu'on appelle les «  causeries ». Il n'y a rien d'étonnant à cela. Les chroniques sont, d'une façon générale, moins prisées que la musique, le théâtre, les nouvelles et les programmes de variétés. Elles n'occupent qu'une faible partie de l'horaire, et d'aucuns, leur attribuant peut-être une importance trop minime, les négligent. Une telle attitude nous semble déplorable.

68.   L'intérêt que nous portons à la radio en tant que facteur d'unité nationale et d'éducation générale nous a poussés à faire un examen plutôt détaillé de la teneur des chroniques radiophoniques. Nous constatons qu'un certain nombre d'entre elles, y compris celles du programme dit « Wednesday Night » confiées à des Canadiens éminents qui font autorité dans divers domaines, répondent effectivement aux normes que nous estimons convenables pour des chroniques diffusées sur un réseau d'État. Tous les citoyens ont le droit d'être fiers de ces émissions. Mais d'autres chroniques, — en particulier certaines qui sont radiodiffusées le dimanche, aux heures les plus importantes, — nous semblent rester bien en deçà de ces normes élevées. Une enquête nous a révélé que des conférenciers n'ayant ni connaissances ni réputation particulières dans leur domaine

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d'activité sont parfois invités à préparer ces émissions à cause de leur aisance à la radio et aussi, apparemment, parce qu'on croit que leur façon d'aborder les problèmes en amateurs les met plus à la portée des auditeurs moyens.

69.   Nous croyons qu'il est important que nous nous prononcions contre cette façon d'agir. Grâce aux services de Radio-Canada, les Canadiens ont eu l'avantage d'entendre des chroniques émanant de la B.B.C. et données par des personnes qui ont fait leur marque dans le monde intellectuel. La B.B.C. estime que la chronique populaire doit être comparable à la conférence savante, pour ce qui est de la qualité et de l'autorité. La Grande-Bretagne partage à cet égard les belles traditions de la France, où l'on s'attend que même le philosophe soit compris de l'homme moyen raisonnable. Nous refusons de croire qu'il soit impossible de trouver au Canada, dans les divers domaines, des gens qui font autorité et sont tout de même en mesure de respecter cette belle tradition. Radio-Canada devrait adopter pour règle immuable que toutes ses chroniques (même les plus populaires), une fois publiées, soient acceptables au spécialiste et à la portée du profane. Il n'y a aucune raison pour que nous n'ayons pas tôt ou tard la contrepartie canadienne du Listener britannique.

70.   Nous avons songé sérieusement aux moyens d'amélioration possibles. L'insuffisance de fonds est peut-être, nous nous en rendons compte, la cause des faiblesses que nous avons constatées. Toutefois, nous rejetons la supposition, déjà mentionnée, qu'un talent naturel pour la radio soit plus important dans le choix d'un conférencier qu'une compétence reconnue dans sa sphère d'activité. Radio-Canada pourrait ajouter à son personnel plus de spécialistes des questions intellectuelles, afin de leur confier la responsabilité directe d'organiser les conférences. Enfin, il devrait exister, croyons-nous, des rapports plus étroits entre les fonctionnaires de Radio-Canada et les Canadiens les plus en vue dans tous les domaines de l'activité intellectuelle.

En conséquence nous recommandons :

m) Que Radio-Canada pourvoie de façon plus satisfaisante, dans son budget, aux besoins du service ou des services responsables des chroniques radiophoniques.
 
n) Que les hauts fonctionnaires de la Société Radio-Canada s'efforcent davantage de trouver, pour les chroniques des gens acceptés du public, sérieux, éminents, et reconnus pour leur compétence, leurs connaissances et leur expérience dans le domaine que l'on veut traiter.
 
o) Que le Bureau des gouverneurs de la Société Radio-Canada songe à l'opportunité de créer, pour les chroniques, des conseils consultatifs nationaux qui pourraient conseiller ses fonctionnaires sur l'organisation des émissions et les renseigner sur les ressources disponibles.

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Rayonnement et émissions des postes de langue française.

71. On nous a signalé à plusieurs reprises, dans diverses parties du Canada, que l'auditeur de langue française ne jouit pas d'un service radiophonique égal à celui qui est destiné à son voisin de langue anglaise. Les hauts fonctionnaires de Radio-Canada sont au courant de cet état de choses et le déplorent, mais c'est là, disent-ils, l'une des conséquences de leurs difficultés financières. Une des raisons qui nous portent à recommander l'accroissement des ressources financières de Radio-Canada, c'est que nous estimons souhaitable de supprimer cette inégalité, car il est incompatible avec l'idée que nous nous faisons d'un service national.

En conséquence nous recommandons :

p) Que, dès que les fonds nécessaires seront disponibles, la Société Radio-Canada procède à l'organisation d'un second réseau français et à l'établissement d'un poste de radiodiffusion en langue française, pour desservir la population francophone des provinces Maritimes; qu'elle élabore aussi et mettre [sic] en œuvre au réseau français une émission spéciale comparable à l'émission dite Wednesday Night du réseau transcanadien.
 
q) Que la Société Radio-Canada songe sérieusement à utiliser les postes de langue française de l'Ouest canadien comme débouchés pour les émissions d'envergure nationale en français, soit au moyen d’enregistrements soit par quelque autre moyen.

Développement du talent au Canada.

72. Nous avons souligné, à la première partie, l'importance du rôle que le régime national de radiodiffusion a joué et peut jouer dans le développement des talents de chez nous et l'encouragement des artistes canadiens. On nous a fait bien des observations louangeuses au sujet du travail que Radio-Canada n'a cessé d'accomplir dans ce domaine. Toutefois, nous avons aussi reçu des protestations contre ce qu'on a appelé la centralisation excessive de la production des émissions. En 1948-1949, les cachets des artistes pour les émissions produites à Toronto et à Montréal s'élevaient à $1,302,595. Pour le reste du Canada, le montant global des cachets a atteint $593,236, dont $261,704 dépensés à Vancouver. Nous savons que cette centralisation est peut-être dictée par des motifs d'économie, et, compte tenu d'un budget restreint, afin d'organiser les meilleures émissions possibles. Nous croyons, cependant, qu'un régime national doit tenir compte d'autres considérations que la commodité ou même l'économie financière, et qu'il devrait donner, dans la pratique, l'exemple de ce que l'on appelle en anglais le « good programming ». Nous avons entendu, non sans inquiétude, des gens des petits centres nous dire que, bien qu'on encourage leurs artistes en les invitant à se produire au réseau national, cela ne compense guère la perte

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de leurs meilleurs talents, que les grandes villes du pays accaparent. Il est à prévoir que cette concentration du talent sera accentuée lorsque Radio-Canada se mettra en quête d'artistes pour la télévision.

73. Nous avons déjà démontré que le développement du talent local, dont Radio-Canada ne peut s'occuper que partiellement, incombe nettement aux exploitants de postes privés, qui jusqu'ici ont fait preuve d'une grande négligence à cet égard.

En conséquence nous recommandons :

r) Que le Bureau des gouverneurs de la Société Radio-Canada songe sérieusement à favoriser l'organisation d'émissions radiophoniques qui émaneraient d'endroits autres que Toronto et Montréal.
 
s) Que le Bureau des gouverneurs de la Société Radio-Canada recherche les moyens d'inciter les postes privés à recourir plus souvent aux talents d'artistes canadiens.

Publicité et information.

74. Nous disions, à la première partie, que l'ignorance manifestée, d'une façon générale, par le public canadien au sujet de la politique, des finances et des réseaux de Radio-Canada est étonnante et regrettable. Des hauts fonctionnaires de Radio-Canada nous informent qu'ils ont hésité jusqu'ici à consacrer un nombre important d'émissions à ce qu'on pourrait considérer comme de la réclame pour la Société. Nous comprenons leur point de vue; cependant, nous sommes d'avis que le public devrait être mieux renseigné sur le fonctionnement de cet important service national. La Semaine à Radio-Canada (C.B.C Times) est une publication utile mais pour diverses raisons son tirage est plutôt restreint. Une fidélité plus rigoureuse, dans la pratique, à la politique officielle qui consiste à établir des conseils consultatifs régionaux et à se tenir en relations étroites avec eux permettrait, d'une part, de mettre le public au courant des projets de Radio-Canada, et d'autre part, aiderait Radio-Canada, à se renseigner sur les besoins et les désirs du public.

En conséquence nous recommandons :

t) Que la Société Radio-Canada procède à l'institution de conseils consultatifs régionaux qui présenteraient les vues des auditeurs.
 
u) Qu'on favorise l'essor et la diffusion de La Semaine à Radio-Canada et de sa contrepartie en langue anglaise; et que la Société Radio-Canada recherche d'autres moyens, y compris les émissions, de tenir le public au courant de ses projets et de son mode de fonctionnement.

75.   Encore une fois, nous devons borner nos recommandations aux grandes questions de principes visant à accorder à Radio-Canada les pouvoirs nécessaires pour exécuter ses importants travaux, ainsi qu'aux autres problèmes qui peuvent faire l'objet de directives précises et objectives. Quant au reste, nous ne pouvons qu'exposer en termes généraux,

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mais en toute sincérité, notre conception du rôle de la radio nationale au Canada, et les buts que ne doivent pas perdre de vue ceux qui sont chargés d'organiser les émissions.

76. Dans tout pays démocratique, la radio doit remplir trois fonctions principales: renseigner, enseigner, divertir. L'information ne doit être diffusée qu'avec exactitude et impartialité; elle doit être suffisante et intéressante, c'est-à-dire clairement et convenablement présentée. Les programmes éducatifs doivent être offerts à différents niveaux et à diverses fins: pour venir en aide à ceux qui donnent ou qui suivent des cours réguliers; pour compléter la formation intellectuelle de ceux qui ont terminé leurs études; et pour combler autant que possible les lacunes chez ceux dont la formation régulière n'a été que partielle ou insuffisante. Nous croyons fermement à l'importance du rôle éducatif de la radio dans un État démocratique, où tout dépend de la collaboration intelligente et éclairée du citoyen ordinaire.

77. Les divertissements occupent aussi une place importante dans un régime radiophonique national. Tous les gens recherchent, car ils en ont besoin, une détente agréable; mais bien des amusements sont plus énervants que reposants, et les divertissements radiophoniques ne tombent que trop facilement dans cette catégorie. À notre avis, la radio nationale a pour mission, à la suite d'expériences patientes et hardies, de trouver de nouveaux moyens de divertir le grand public. On ne saurait, il est vrai, imposer la culture, et rien n'est plus répugnant que les amusements prescrits et obligatoires. Mais, à une époque où nous invitons des experts à nous conseiller sur tout, depuis la nourriture que nous devrions manger jusqu'aux personnes que nous devrions épouser, il n'y a sûrement aucun mal à accepter des conseils utiles au sujet de la musique que nous pourrions goûter et des pièces de théâtre que nous pourrions aimer. Il incombe à la radio nationale, dans un État démocratique, d'offrir ces conseils utiles.

78. Au Canada, la radio joue un rôle particulièrement important. Elle doit renseigner, former et divertir une population clairsemée, composée d'éléments divers. Elle doit aussi développer le sens de l'unité nationale entre nos deux grandes races, et entre nos divers groupes ethniques, malgré un régionalisme fortement développé et les attraits de notre séduisant et influent voisin du Sud.

79. Notre radio nationale s'est-elle acquittée de cette fonction? Elle a beaucoup accompli, mais il lui reste beaucoup à faire. Nous avons mentionné, déjà, combien elle a favorisé chez nous l'unité nationale et la compréhension mutuelle. Nous ne saurions trop louer sa présentation claire, complète et impartiale des informations. Nous avons fait part des éloges dont ses émissions éducatives ont fait l'objet, éloges tout à fait mérités, a [sic]

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notre avis. Dans les domaines de la musique et du théâtre, et particulièrement avec son programme dit du « Wednesday Night », elle a démontré comment on peut développer des goûts et des intérêts nouveaux.

80. La radio canadienne n'a pas, évidemment, réalisé tout ce que nous attendons d'un régime national. Elle est encore jeune. Elle a dû lutter contre la pauvreté, l'inexpérience et les obstacles physiques inhérents à un pays difficile. Mais, comme nous l'avons dit à la première partie et répété ici aussi clairement que possible, nous sommes convaincus que le régime de radiodiffusion canadien a bien servi le pays par le passé, et qu'il devrait être, dans les années futures, un important facteur d'unité et de culture. Nous réclamons, pour le régime national de radiodiffusion, les pouvoirs et les ressources qui lui permettront de s'acquitter de ses vastes responsabilités sur le plan national.

*Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé.

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